La maison d'alzaz ou le blog de l'écologie

1 février 2010

Adaptation et environnement

L’AUTOECOLOGIE

C’est une branche de l’écologie qui étudie les rapports qui se créent entre une espèce et son environnement. Plus précisément, elle définit les limites de tolérance et les préférences des espèces, face aux diverses pressions qu’elles subissent de la part du milieu (= facteurs écologiques), et étudie parallèlement l’action de ce dernier sur la morphologie, la physiologie et le comportement (pour un animal) ; l’on parle parfois d’écophysiologie.

Dans un premier temps, le biologiste qui étudie une espèce donnée devra porter à sa connaissance, nombre d’informations concernant la niche écologique de l’espèce en question. Cette niche n’est pas seulement spatiale, son concept tient compte également du rôle de l’espèce dans l’écosystème. L’attention se portera donc sur l’habitat de l’espèce, sur son régime alimentaire, ses rythmes d’activité et ses relations avec les autres espèces. Mais la niche écologique d’une espèce possède des caractéristiques déterminées par l’influence de différents facteurs écologiques.

Dans un second temps, le biologiste devra donc identifier l’ensemble des facteurs écologiques auxquels est soumise l’espèce étudiée.

Enfin, il sera nécessaire, dans le cas de l’étude d’une espèce animale, de compléter les données d’autoécologie sur cette espèce par une étude appropriée de ses comportements. Une science à part, l’éthologie ou science des comportements, sera appliquée. On peut rajouter que si le végétal ne choisit pas le milieu qui lui convient, la mobilité et les comportements de l’animal lui confèrent cette liberté de choix.

LA NOTION DE FACTEUR ECOLOGIQUE

Si l’on compare le désert du Sahara à la campagne normande, il vient immédiatement à l’esprit une notion de contraste : l’un est fameusement aride alors que l’autre est verte, toute l’année. Par définition, le désert abrite peu d’espèces vivantes, car les conditions climatiques, entre autres, sont extrêmes, ce qui n’est pas le cas en Normandie. Ces conditions, variables dans le temps et dans l’espace, impliquent l’action de facteurs écologiques assez variés puisqu’ils concernent autant le climat, le relief, la qualité du sol et/ou de l’eau, que l’influence qu’exercent les êtres vivants entre eux. On parle de facteurs abiotiques lorsqu’ils ne dépendent pas (au sens strict) des êtres vivants et de facteurs biotiques dans le cas contraire.

Les facteurs abiotiques ont des paramètres mesurables : lumière, température, précipitations, vent, composition et/ou pH et/ou salinité d’un sol… Les facteurs biotiques concernent l’influence des êtres vivants entre eux mais, lorsqu’on étudie une espèce précise, il faudra distinguer les relations qu’un individu de cette espèce entretient avec ses congénères (relations intra-spécifiques) de celles qu’il subit de la part des autres espèces (relations inter-spécifiques). Dans le premier cas, on observera des relations homotypiques d’effet de groupe, de masse ou de compétition ; dans le second, il s’agira de relations hétérotypiques allant de l’indifférence à l’antagonisme et du parasitisme à la symbiose.

Un facteur abiotique peut varier d’un extrême à l’autre. C’est le cas des températures du Sahara qui diffèrent grandement entre le jour et la nuit, ou de celles d’une steppe de Sibérie où la variation se fait entre l’été et l’hiver. Les espèces devront pouvoir accepter les conditions qui règnent en un lieu géographique donné si elles veulent s’y installer. Sur ce plan, il n’y a pas d’égalité, certaines espèces supporteront des conditions extrêmes, d’autres moins et d’autres pas du tout. En tout cas, chacune fera preuve de tolérance plus ou moins marquée et aura ses propres preferenda.

Prenons le cas d’un collembole (insecte de la photo ci-contre) présent uniquement dans les névés alpins, l’Isotoma saltans. En dessous de -15 °C, il meurt ; de même au delà de +15 °C ; ce sont là ses limites de tolérance. Son intervalle de tolérance est donc de 30 °C. Mais son optimum de développement ne se situe qu’entre -5 et +5 °C (optimum harmonique). Si l’on compare à la mouche, Musca domestica, cela est sans commune mesure. La tolérance et l’optimum harmonique de la mouche lui sont  bien plus avantageux et c’est pour cette raison qu’on la rencontre sur tous les continents et sous presque toutes les latitudes, quand Isotoma natans se voit limité à une zone bien réduite. On peut dire ainsi que la valence écologique (aptitude à conquérir des milieux différents) de la mouche est supérieure à celle d’Isotoma natans.

 

Exigences d’Isotoma saltans vis à vis des températures

 

On distingue les espèces euryèces (à grande valence écologique) -comme la mouche, le pin sylvestre ou le renard- des espèces sténoèces (à faible valence écologique) -comme notre Isotoma des névés alpins ou le trématomus (poisson de l’océan glacial antarctique ne supportant qu’une eau entre -2,5 et +2 °C). On constate qu’au fil de l’évolution la valence des espèces s’accroît. L’algue est plus sensible aux polluants qu’un végétal aquatique supérieur ; le mammifère est plus souple d’adaptation que le poisson ou le batracien. Enfin, c’est l’évolution encéphalique de l’homme qui lui confère à la fois une nette supériorité par rapport à tous les autres, ne serait-ce qu’en lui ayant permis d’inventer les prothèses qui font reculer ses limites naturelles, et un inconvénient quand ses raisonnements se perdent dans l’absurde.

FACTEUR LIMITANT

 

Quand l’eau devient un facteur limitant

 

Il arrive parfois qu’un facteur écologique atteigne un seuil critique et fatal pour une espèce animale ou végétale donnée. Que le facteur pèche, par son absence ou par sa présence, il devient une condition sine qua non de vie ou de mort pour cette espèce. On dit alors que le facteur écologique en question est un facteur limitant. Le seuil d’un facteur écologique bien présent peut correspondre à un minimum ou à un maximum qu’une infime variation rend létal.

Le cultivateur sait qu’il peut lui arriver d’avoir veillé à tout pour qu’une de ses cultures reçoive tout ce dont elle a besoin (azote, potassium, phosphate…) et que, cependant, sa culture dépérisse. Il y a urgence pour cet agriculteur de découvrir ce qui fait défaut de processus. Il sait déjà qu’il a à faire à un facteur limitant et que celui-ci peut tout aussi bien l’être par défaut que par excès.

Lorsqu’on établit la liste des facteurs écologiques, intervenant sur un écosystème, il est important de distinguer ce qui est un facteur limitant de ce qui n’en est pas. Car c’est toujours le facteur qui atteint dans le milieu sa limite d’expression qui conditionne le développement d’une espèce. Ce fait est aussi important pour l’agriculteur, que l’agronome ou que le biologiste de l’écologie, et il s’exprime selon une règle, laissée à la postérité par Liebig, dite règle du minimum de Liebig. C’est un peu comme quand un groupe de marcheurs se met au rythme du plus lent pour rester cohérent (l’inverse est impossible).

Un facteur écologique devient limitant lorsqu’une espèce possède des limites de tolérance étroites, vis-à-vis de ce facteur ou quand ce facteur connaît une trop grande ampleur de variation dans le milieu ambiant. Ainsi, l’homme, qui possède une bonne valence écologique, ne saurait supporter un réchauffement climatique de plus de 5 °C en moyenne, et le trématomus de l’Antarctique, dont la valence écologique est fortement restreinte, ne pourra supporter le moindre écart de température.

Dans la nature, les facteurs écologiques interfèrent les uns sur les autres dans leur influence sur le vivant. Température et lumière sont, par exemple, souvent liées : pour une faible intensité lumineuse, une plante d’appartement nécessitera une température plus basse et moins d’eau, et vice-versa. La présence d’organismes (facteurs biotiques) peut également jouer sur l’hygrométrie et/ou la température (facteurs abiotiques), c’est le cas des fourmilières, des termitières ou des ruches ou… des maisons mal aérées.

Pour finir, les exigences écologiques d’une espèce évoluent au cours de son développement et de sa croissance – le phénomène étant plus marqué chez les insectes ; de fait, la présence d’une espèce d’insecte, en un écosystème, dépend de la valence écologique de son stade de développement le plus sensible et c’est dans la lutte biologique pour la protection des cultures que cette connaissance sera des plus intéressantes.

PRINCIPAUX FACTEURS ECOLOGIQUES

Les biologistes ont pris l’habitude – même si ce n’est pas aussi évident – de classer les facteurs écologiques en fonction de leur nature physique, chimique ou biologique. On aura donc respectivement des facteurs abiotiques, des facteurs trophiques (nourriture) et des facteurs biotiques.

Les facteurs abiotiques :

Les facteurs écologiques abiotiques d’un milieu naturel sont ceux qui ne dépendent pas des organismes vivants ; ils sont de nature physique ou dynamique et d’ordre climatique, hydrologique ou hédaphique (facteurs liés aux caractéristiques du sol).

Les facteurs climatiques :

– L’éclairement s’exprime selon son intensité (calories par unité de surface ou lux par unité de temps), en fonction de ses longueurs d’onde (ultra-violets, spectre de la lumière visible, infra-rouges). On doit aussi décrire sa durée (nombre de jours d’ensoleillement mensuels ou annuels) et son photopériodisme (alternance de périodes d’éclairement et d’obscurité ou rythme nyctéméral – jour/nuit).

– La température est un facteur limitant de premier ordre ; elle s’exprime en degrés Celsius (° C). Relevées tout au long de l’année, on en déduit une moyenne annuelle, un mois le plus chaud ou le plus froid et le nombre de gelées dans l’année.

– La pluviosité est appréciée par la mesure (en millimètres) des précipitations mensuelles, annuelles. La répartition de cette pluviosité au long de l’année est assez révélatrice.

N.B. : La courbe annuelle des températures associée à celle des précipitations permet d’établir des diagrammes ombrothermiques forts utiles pour déterminer le type de climat local (montagnard, continental, océanique, méditerranéen…).

– L’hygrométrie caractérise la teneur relative en vapeur d’eau de l’air (en pourcentage).

– Le vent, la neige, la pression atmosphérique, l’ionisation de l’air, les champs électriques sont des  facteurs écologiques climatiques de seconde importance mais ils jouent néanmoins un rôle non négligeable dans l’adaptation des êtres vivants à leur écosystème.

Les facteurs non climatiques :

– Les conditions topographiques ont une influence importante sur les facteurs climatiques comme la durée et la qualité de l’ensoleillement (exposition) et, en altitude, tous les paramètres sont modifiés.

– En milieu aquatique, l’écologue mesurera la densité et la viscosité de l’eau, la lumière et sa pénétration en profondeur, la pression qui est fonction de la profondeur également, l’acidité, la teneur en gaz dissous, notamment celle de l’oxygène, la teneur en sels minéraux et la salinité.

– Dans le sol, on relèvera les facteurs édaphiques tels la texture et la structure du sol, sa porosité, sa teneur en eau disponible pour les végétaux et son hygrométrie ; tous deux dépendant des facteurs précédents. L’écologue notera l’acidité (pH) du sol, puis sa teneur en calcium qui est étroitement liée au pH, et mesurera, pour finir, la teneur du sol en éléments minéraux et organiques.

Les facteurs trophiques :

Le terme trophique, que l’on rencontrera en détail plus tard, peut être assimilé à celui, plus trivial, d’alimentaire. Dans un milieu donné, l’espèce étudiée par un biologiste de l’écologie dépend, en terme de développement de l’espèce ou de la population à laquelle elle appartient, de la présence d’éléments nutritifs, c’est à dire de nourriture disponible en quantité et en qualité (minérale pour les végétaux, organique pour les animaux).

Les facteurs biotiques :

Ils sont liés à l’activité ou au métabolisme des êtres vivants. On distingue :

– les interactions qui ont lieu à l’intérieur d’une population d’individus de la même espèce, ou relations homotypiques dépendant de la densité de cette population. Celle-ci induira des comportements par effet de groupe (manchots) ou de masse (ex. les criquets migrateurs), s’exprimera par une forme de compétition territoriale, pour la lumière, l’eau et les sels minéraux chez les végétaux, la nourriture disponible chez les animaux ;

– les interactions entre espèces différentes ou relations hétérotypiques. On établit un gradiant relationnel allant des relations plutôt favorables aux espèces (commensalisme, synergie, coopération, symbiose), aux relations défavorables au moins pour une espèce (compétition, amensalisme, prédation, parasitisme), en passant par l’indifférence (neutralisme).

POUR RESUMER :

6 commentaires »

  1. Comme d’habitude: excellent!
    Merci!
    Juste une remarque: n’est-il pas exagéré de dire que l’homme possède une « nette supériorité par rapport à tous les autres »? et cela grâce à son encéphale. Certes, il est assez intelligent pour détruire son environnement mais assez bête aussi pour refuser de l’admettre. Certains insectes survivront sans doute à la disparition de l’espèce humaine.
    Salut!

    Commentaire par Pangloss — 4 février 2010 @ 12 h 31 min | Réponse

    • Ce serait long à expliquer ou de développer le chemin évolutif d’homo sapiens tout au long de son histoire.. En tout cas, c’est encore une très belle aventure. Il y a l’acquisition de la station debout avec la perte de deux pieds en échange de deux mains bien plus utiles. Il y a l’encéphalisation que n’a connu aucun autre animal (la pieuvre peut-être dans 100 ou 200 millions d’années). Sans oublier le langage et l’invention de l’art ou de la culture… Je me tais mais j’entends ce que je dis en prétendant une « nette supériorité » de l’homme. Cela ne l’empêchera pas de se détruire avant que l’humanité n’atteigne ses 10 ans d’âge mental. Il nous manque un papa humanité et quelques fessées.

      Ceci dit, les animaux, les végétaux, les fungi et autres êtres grouillants, j’adore. 150 grammes de bidoche par semaine, pas plus. Ou du poisson mais c’est encore plus pollué à la dioxine.

      A+

      Commentaire par alzaz — 4 février 2010 @ 23 h 15 min | Réponse

  2. Bonjour,

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    Commentaire par Maxisciences — 15 février 2010 @ 17 h 09 min | Réponse

  3. bonjour moi j’aimerai avoir quelques exemples d’influences de facteurs surtout la température sur les êtres vivants (animaux et végétaux), l’hygrométrie et la pluviosité

    Commentaire par elh ndour — 16 mars 2012 @ 2 h 48 min | Réponse

    • En cherchant bien dans le blog, notamment parmi les schémas, vous trouverez bien quelques données intéressantes. Actuellement, je ne m’occupe plus du site mais cela reviendra peut-être.

      Commentaire par alzaz — 21 mars 2012 @ 23 h 02 min | Réponse


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